Oh! La bienveillance au travail… Est-ce une approche facile à appliquer, réaliste et valable ? Certains la considèrent comme étant une pratique peu sérieuse du management. Clairement, je ne partage pas ce point de vue. Sans trop le savoir, en lisant un livre sur le sujet, je me suis rendue compte que je valorisais énormément les pratiques bienveillantes dans mon propre milieu de travail. J’ai également réalisé l’exigence que cela suppose d’appliquer concrètement la bienveillance au travail.
Bien que les employés avec lesquels je travaille pourraient certes avoir leur opinion sur la chose, il n’en demeure pas moins que je suis profondément convaincue de la valeur de chacun des individus placés sur ma route. La concrétisation de la bienveillance au travail se traduit comment au sein des organisations? C’est une bonne question. Les dirigeants ont un mandat bien précis : faire rouler la boîte ! Alors, comment concilier la gestion efficace et la bienveillance ?
Depuis mes études universitaires, j’ai sincèrement pris des décisions en sachant très bien que des humains étaient derrière les choix managériaux que j’ai dû faire. Vous le savez, les dirigeants doivent prendre des décisions. Elles ne sont pas toujours faciles à prendre, mais elles doivent être prises. Ces dernières sont-elles populaires auprès des employés? Pas toujours! Je me suis souvent consolée en me disant que cela faisait partie du boulot !
Vous arrive-t-il de moins bien dormir lors de périodes décisives ou cruciales au travail ? J’admets, qu’au courant de ma carrière, certaines nuits ont été plus courtes que d’autres. En effet, je suis préoccupée par le bien-être des employés. Ce n’est pas toujours évident de concilier performance de l’organisation et le bien-être des personnes qui y travaillent!
Pourtant, je crois tout de même aux bonnes pratiques de gestion empreintes de respect, d’authenticité et de dignité. J’appelle cela l’encadrement formel bienveillant ! Il est certain que les équipes de travail s’attendent à ce que le dirigeant de leur organisation fasse preuve de souplesse, d’équité et d’habiletés relationnelles. Une organisation qui se respecte se doit pareillement d’implanter et d’appliquer des processus de gestion exempts de discrimination. De plus, l’équité procédurale doit systématiquement être mise en pratique.
En bon français, les employés souhaitent vivre et travailler dans des milieux qui sont respectueux, stables, prévisibles et équitables. Pour cela, les entreprises doivent avoir à leur tête des individus remplis de belles compétences. Attention! Je ne dis pas que les dirigeants sont parfaits, loin de là ! Toutefois, il faut admettre qu’ils ont une très grande responsabilité envers chaque individu qui travaille jour après jour.
Des qualités ? Lesquelles ?
J’ai eu le grand bonheur, dans ma jeunesse, de côtoyer une femme extraordinaire qui était à la tête d’un organisme communautaire. J’ai eu l’immense opportunité d’apprendre et de remplir mon sac à dos de connaissances! En effet, elle ne le sait peut-être pas, mais cette femme, Carolle, m’a inspirée par ses pratiques bienveillantes. Elle avait une approche extrêmement respectueuse des individus. Pourtant, elle occupait le poste le plus élevé de l’organisation. Toutes les tâches reliées aux orientations stratégiques lui incombaient. Elle avait une multitude de responsabilités quant au difficile financement non récurent, à la gouvernance et à la réalisation de la mission… Bref, une vraie dirigeante! Elle était également une directrice générale avec un sens de l’écoute hors du commun. Les employés ne le percevaient pas toujours, mais elle savait les écouter. Elle faisait une lecture rapide de ce que les individus vivaient tout en étant profondément respectueuse, honnête et authentique.
Plusieurs années se sont écoulées et je réalise que son style de leadership s’est franchement démarqué des nombreux dirigeants que j’ai remontrés dans ma vie. Être capable d’établir des liens de qualité avec des équipes de travail exige plusieurs efforts pour les managers. Carolle savait s’y prendre.
Évidemment, certaines compétences peuvent se développer si, dès le départ, elles ne sont pas au rendez-vous. C’est d’ailleurs très rassurant de constater que les humains peuvent s’améliorer sans cesse et progresser. Toujours est-il que la bienveillance au travail, selon mon expérience, va au-delà des simples normes de politesse et des convenances sociales. Les habiletés relationnelles sont essentielles. J’entends par là l’écoute, l’empathie, le respect, l’authenticité…
Comment définiriez-vous cette bienveillance au travail ? Selon le Larousse, c’est une « disposition d’esprit inclinant à la compréhension, à l’indulgence envers autrui ». Si l’on transpose cette définition au travail, cela signifierait que le manager doit être disposé à comprendre les employés, à faire preuve de souplesse et de ne pas sanctionner certains comportements ou attitudes.
Oh…J’entends déjà d’autres collègues gestionnaires se dire : « impossible Nathalie, c’est impossible! » À première vue, je comprends absolument! En réfléchissant davantage au deuxième degré de cette compréhension et de cette indulgence, j’y vois aussi une forme d’acceptation d’un milieu de travail « apprenant ». Avoir droit à l’erreur, cela vous dit quelque chose ? Avez-vous déjà fait une bêtise, une gaffe ou une maladresse? Moi, oui! Néanmoins, j’ai appris. J’ai eu la chance d’être entourée de personnes qui avaient confiance en mes capacités. Évidemment, je me suis arrangée pour ne pas les répéter. Êtes-vous du genre à condamner vos collègues pour leurs impairs?
La bienveillance au travail, lorsqu’elle est pratiquée avec doigté, permet aux équipes d’améliorer leur performance. Les employés qui se sentent en confiance face à leur patron peuvent faire preuve de créativité voir même prendre des risques calculés. Les limites sont ainsi repoussées peu à peu. Évidemment, si le gestionnaire en poste souffre lui-même d’insécurité face aux opérations quotidiennes, la marge de manœuvre de ses employés risque d’être moins grande. La peur de ne pas réussir ou de ne pas livrer la marchandise peut faire en sorte qu’il exerce un contrôle inapproprié ou disproportionné face à ses collègues. Les employés ont besoin d’air. On ne peut être constamment derrière eux. Si c’est le cas, c’est probablement qu’il y a anguille sous roche. Peut-être un problème de compétences?
On ne peut parler de bienveillance sans parler du stress. Évidemment, un milieu de travail contaminé par le stress de l’un et de l’autre devient tout à fait insupportable pour les équipes. Le manager doit être en mesure de détecter les sources de stress et d’anxiété. J’entends déjà certains me dire « oui mais Nathalie, certaines personnes sont prédisposées à être stressées »! Que devrais-alors leur répondre ? Je me dis que c’est probablement vrai… Je me dis également qu’elles n’ont peut-être pas tout à fait raison!
Je m’explique. Le stress au travail est vécu par un bon nombre d’individu au Québec et au Canada. [i] « Voici quelques faits en bref relatifs à la santé psychologique associée aux milieux de travail provenant de la Commission de la santé mentale du Canada ainsi que du Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail :
- Un Canadien sur cinq souffrira de problèmes de santé psychologique ou d’une maladie psychologique au cours d’une année
- Au Canada, les problèmes de santé psychologique et les maladies psychologiques sont la principale cause d’invalidité
- Les problèmes de santé psychologique coûtent à l’économie canadienne environ 51 milliards de dollars par année. De cette somme, 20 milliards de dollars sont associés à des problèmes psychologiques liés au milieu de travail
- 47 % des travailleurs canadiens estiment que leur travail est l’élément le plus stressant de leur quotidien
- Les problèmes de santé psychologique touchent surtout les travailleurs en milieu de carrière, ce qui réduit la productivité de la main-d’œuvre canadienne
- Seulement 23 % des travailleurs canadiens se sentiraient à l’aise d’aborder la question de leur santé psychologique avec leur employeur »
Je comprends que les milieux de travail peuvent être une source importante de stress. Néanmoins, l’anxiété vécus par les individus au travail influence également leur état, leur productivité ainsi que leur niveau de motivation.
C’est exactement à ce moment, selon moi, que la qualité des dirigeants entre en ligne de compte. Évidemment, la bienveillance au travail ne règle pas tout. Mais encore faut-il être en mesure d’en parler. Il semble que seulement 23% des employés se sentent à l’aise de parler de leur santé psychologique à leur employeur. La statistique serait-elle la même si l’on parlait de la jambe fracturée ?
Malheureusement, je constate que les préjugés sont encore bien présents dans les milieux de travail. La bienveillance vise exactement à abaisser le niveau de stress chez les individus. Les stratégies managériales utilisées et mises en place par des dirigeants bienveillants contribuent clairement à diminuer les sources de stress. Favoriser des environnements positifs par le biais du plaisir, de bien-être et de motivation entrainent obligatoirement une augmentation de la productivité, de la créativité et du bonheur. La bienveillance, pour en récolter ses effets, doit être pratiquée davantage en profondeur. Les dirigeants doivent adapter leurs exigences, établir des objectifs réalistes et offrir des défis stimulants à la hauteur des compétences des collaborateurs.
Estelle Morin, professeur titulaire de management au HEC (2021), précise « en entreprise, la bienveillance est l’attitude qui consiste à veiller au bien-être de son équipe dans l’accomplissement des projets qu’on lui a confiés. La bienveillance permet d’instaurer le climat de sécurité nécessaire pour que les équipes puissent prendre des initiatives, voire des risques afin d’améliorer leur efficacité et trouver des solutions innovantes.
Ici, elle fait référence à la sécurité physique, psychologique et social. Cette définition raisonne pour moi. Elle intègre la notion de sécurité au travail. Il me semble que cela fait sens. Si l’on souhaite avoir des équipes performantes, innovantes et motivées, les besoins fondamentaux des employés doivent être répondus. À mon avis, le milieu de travail est responsable d’instaurer des conditions favorables à l’établissement d’un milieu sain. Cela se traduit notamment par la mise en place d’un encadrement clair et explicite en matière de sécurité physique, psychologique et sociale. Les employés doivent être bien au travail. L’employeur se doit d’éliminer, dans la mesure du possible, toutes les sources de stress inutiles. Ce climat de sécurité pourra exister par le biais de politiques, de règles, de marche à suivre, d’attitudes et de l’application des 3 savoirs : le savoir, le savoir-faire et le savoir être.
Le manager a donc une responsabilité de premier plan. Mettre en place des conditions optimales pour appuyer les équipes de travail à faire ce qu’elles font de mieux soit « travailler » est exigeant et incontournable pour l’instauration de la bienveillance.
En y réfléchissant, je me rends compte que cette philosophie est pour moi un style de gestion bien ancrée. Détrompez-vous, je suis loin d’être parfaite. C’est également loin d’être facile pour moi d’être à la hauteur de ces exigences. Mais j’ai le sentiment profond que mes intentions sont fondamentalement respectueuses, authentiques et sincères.
Est-ce que quelqu’un peut maintenant dire que la bienveillance au travail c’est un jeu d’enfant ?
[i] https://www.canada.ca/fr/emploi-developpement-social/services/sante-securite/rapports/sante-psychologique.html
Commission de la santé mentale du Canada. (2016). Norme nationale.
Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail. (2016). Santé mentale.
1 réflexion sur “La bienveillance au travail”
Bel article !